Fan art

N’hésitez pas à laisser ici des photos, des poèmes ou des dessins inspirés de la saga, des photos de vous avec mes livres ou encore des créations originales !

FUNKO POP 

Voici une idée géniale lancée par la lectrice Coline !
Des images de Funko pop de mes héros !
N’hésitez pas à créer les vôtres et à me les envoyer !

AISLING, par Coline

AISLING, par Elisa

BRENDAN, par Coline

 

CONNOR, par Elisa

KATHLEEN, par Coline

KATHLEEN, par Elisa

SEAN, par Coline

SEAN, par Elisa

NOVELLAS

J’ai eu la chance d’être le maître de stage de Lea, l’une de mes lectrices, qui m’avait gentiment demandé s’il lui était possible de faire son stage de fin d’études au lycée avec moi afin de découvrir le métier d’écrivain ! Je lui ai proposé de dessiner un personnage de son choix (issu de mes romans) et d’écrire une novella tirée également de l’univers de mes livres !

Aujourd’hui, j’ai le plaisir de publier son travail sur mon blog ! Félicitations pour ce beau travail consacré à Escape Edimbourg et le personnage de Colin !

Un simple luthier

Un simple luthier
Chapitre 1
Marchant dans les rues d’Edimbourg, accompagné de la brise fraiche du soir
lors des dernières lueurs du jour, un jeune homme à l’allure peu abordable
marchait sans but avec pour compagnons les bruits familiers de la ville.
Vagabondant les yeux perdus dans le vide, c’était ainsi que les pas de Colin
MACINNES le menaient.
Ses mains étaient gardées au chaud dans les poches d’un manteau noir usé par
le temps mais toujours chaud et un bonnet également noir enfoncé jusqu’aux
oreilles. N’ayant pas de but précis à cette marche, il errait en solitaire dans les
rues de la grande ville, passant de temps en temps devant une boutique
chaleureuse ou encore une maison aux fenêtres illuminées. La nuit tombant
doucement, tout le monde allait se réfugier au chaud chez soi, goûtant aux
plaisirs et réconfort qu’offrait une famille aimante.
Une fine pluie vint soudain accompagner la marche du jeune homme dans sa
solitude, filant sur le tissu de son manteau, coulant avec douceur sur les vitres
des maisons. La brume habituelle d’Édimbourg commençait sa route
tranquillement, se faufilant dans les rues. Le musicien au bonnet ne semblait
pas se soucier des gouttelettes ruisselantes, ne faisant que marcher.
Cependant, il arriva finalement au détour d’un carrefour se trouvant en face
d’une place avec au milieu une fontaine. Le jeune homme s’avança vers le coin
d’eau et s’affalât sur le muret. Un soupir embué s’échappa de ses lèvres rosées
par la fraicheur environnante. En ce début de mois d’octobre, la nuit tombait
plus rapidement, recouvrant la ville de son manteau noir parsemé d’étoiles
lumineuses.
Toujours assis sur le bord froid de la fontaine, les yeux perdus dans le vide, les
pensées du beau brun se voyaient remplies de mélancolie. En effet, les seules
choses lui traversant l’esprit à ce moment-même n’étaient pas des plus
joyeuses. Il repensait à sa jumelle, Colleen, qui devait maintenant dormir dans
l’appartement qu’ils partageaient depuis leur départ de l’abbaye. Il y a tout
juste un an. L’abbaye les avaient accompagnés une bonne partie de leurs vies.
Colin n’en gardait pas de très bons souvenirs. Il se souvenait des soeurs et en
particulier cette fichue Soeur Michele et son puant de chat. Il se souvenait aussi
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des cours que Colleen n’avait absolument aucun mal à suivre, ce qui n’était pas
son cas.
Il se souvenait aussi qu’ils étaient considérés à l’abbaye comme des bâtards,
n’ayant pas vraiment de ressemblance entre eux. Cela donnait aux crétins un
parfait argument pour les insulter.
Colin détestait ça. Il ne supportait pas que l’on touche ou fasse du mal à sa
soeur. Cette simple idée le mettait en rogne. Il avait tout de même un certain
espoir sachant que contrairement à lui, Colleen était appréciée par les soeurs, à
part Soeur Michele. Mais cette mégère n’appréciait que son chat puant de
toute manière.
Il gardait tout de même une pensée dans le coin de son esprit en se
remémorant toutes les fois où de vrais imbéciles avaient fait l’erreur d’insulter
les faux jumeaux. Car en retour, ils recevaient le poing de Colin en pleine face.
Pourtant, le jeune garçon détestait la violence, il n’aimait pas se battre. Il
aimait encore moins le regard que lui lançait sa soeur quand il revenait avec des
égratignures, parfois le nez et les poings en sang, ses habits abïmés et déchirés.
C’était plus fort que lui. Quand quelqu’un manquait de respect à Colleen ou à
leur famille, il en venait aux poings. Le pire, c’était cette satanée Soeur Michele
qui trainait de force Colin pour le punir. Accompagnée de son vilain chat, elle
l’emmenait dans le sous-sol de l’abbaye, appelé « la salle de pénitence ».
Colin avait horreur de cette pièce, comme tout le monde d’ailleurs. Mais lui, il y
allait plus souvent. À cause de ses bagarres, et du fait que Soeur Michele ne le
portait absolument pas dans son coeur, ou du moins semblait le détestait plus
que les autres.
Colin n’aimait pas y aller. Les masques accrochés aux murs lui faisaient peur, lui
donnaient l’impression de l’observer, avec leurs longs becs et leurs orbites
démesurées. Il avait appris plus tard grâce à Colleen qu’autrefois cette pièce
servait à garder des malades de la peste jusqu’à ce qu’ils meurent. Les masques
aux murs étaient ceux des médecins.
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Evidemment, Colin savait qu’il n’était pas malade et qu’il ne pouvait rien lui
arriver. Mais il ne pouvait s’empêcher d’avoir peur. Même s’il jouait au dur face
aux autres, quand ils parlaient des fantômes de l’abbaye, au fond de lui il était
terrifié.
Après des heures interminables passées dans la salle de pénitence, il allait enfin
sortir. Il pouvait remercier Colleen de lui avoir appris les secondes, les minutes
et les heures. Il avait ainsi une certaine notion du temps quand il était enfermé.
D’ailleurs, c’était aussi sa jumelle qui lui apprenait et expliquait la plupart des
cours, même s’il faisait semblant de l’écouter. À croire qu’il faisait exprès
d’échouer à presque tous ses examens.
Sauf en littérature, seule matière qu’il appréciait. Ses textes et poèmes
parlaient d’eux même. Même si personne à part lui ne les lisaient. Les soeurs les
trouveraient bien trop sombres et insolents, mais peu lui importait. Ses écrits
étaient le reflet de son âme. Il y mettait toutes ses émotions, ses peurs, ses
joies, ses peines… Alors jamais, au grand jamais quelqu’un d’autre que lui ne
lirait ses textes. D’ailleurs, il les gardait dans une petite boite bien cachée dans
son atelier.
En repensant à la première fois qu’il avait posé le pied à l’intérieur de cet
atelier, une légère lueur de joie passa dans ses yeux. Il se remémora cette
fameuse journée avec une certaine nostalgie.
C’était Soeur Bénédicte, la plus gentille des soeurs de l’abbaye, qui lui avait
proposé l’entretien. Dans un premier temps, il avait été des plus réticents. Mais
à force de jouer au cancre, s’il ne voulait pas finir à la rue, il devait trouver un
travail. Alors, un peu à contre – coeur, il était allé au lieu de rendez-vous. Arrivé
devant un vieil atelier de luthier, il avait rencontré le propriétaire aux allures de
Gepetto qui se nommait Ryan Doyle.
Colin avait fini par tomber sous le charme de ce métier. Il avait alors décidé de
devenir luthier. Avec l’aide de Gepetto, il avait appris le métier. Même si du
jour au lendemain avait cessé d’avoir des nouvelles du vieil homme et avait dû
prendre en main l’atelier seul. Il aimait ce qu’il faisait.
L’endroit aux allures rustiques mais chaleureuses, les heures entières passées à
remettre en état un violon, tout lui plaisait.
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Assit sur le rebord de cette fontaine, Colin repensait à tous les bons moments
passés dans cet atelier. Un coup de vent plus froid que les autres le fit
frissonner. Signal que la nuit fraiche arrivait. Il se leva, toujours les mains dans
les poches, pour quitter la place. Se dirigeant vers le Royal Mile, il arriva sur
Canongate jusqu’à une petite entrée débouchant sur le Dunbar’s Close. Il
pénétra dans cette partie du quartier beaucoup moins grande que les autres, et
légèrement à l’écart de l’effervescence du Royal Mile.
Il parcourut le chemin de gravier passant devant les autres échoppes, puis
arriva au numéro 6 où se trouvait son atelier. Après avoir essuyé ses bottes sur
le paillasson de l’entrée, le jeune homme sortit les clefs de sa deuxième maison
et entra. Il referma vite la porte pour ne pas laisser entrer le froid. Dès qu’il fut
à l’intérieur, il laissa échapper un soupir de soulagement. S’il y avait bien un
endroit où il aimait être, c’était ici.
Il enleva sa veste et la posa sur le porte manteau à côté de l’entrée. Il remplaça
ses bottes par des chaussons confortables. Puis, il traversa la pièce pour
s’assoir sur un fauteuil en face de la cheminée allumée. La chaleur de l’âtre
donnait une agréable ambiance à la pièce. Il soupira longuement, regardant les
flammes danser. Celle-ci se reflétaient dans ses yeux mélancoliques. Ruminant
ses pensées, son regard balaya la pièce.
L’atelier aux allures de dessin animé se trouvait au rez-de-chaussée, avec à
l’étage une chambre et une modeste salle d’eau. La cuisine était dans un coin
de la pièce, elle possédait des plaques chauffantes et un four.
Le jeune homme avait la tête en arrière, les yeux dans le vide. La pendule disait
clairement que l’heure du repas était dépassée depuis deux heures.
Sentant son estomac gargouiller, Colin dut se résoudre à bouger de son siège à
contrecoeur. Il ne fit pas grand-chose pour, une simple assiette de pâtes
accompagnée d’une pomme en guise de dessert, suffirent à remplir son
estomac. Et sans plus tarder, il se leva et rejoignit son lit pour une nuit calme.
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Chapitre 2
Le lendemain, Colin se réveilla grâce aux rayons du soleil qui traversaient les
rideaux de sa fenêtre. Malgré le chauffage et la cheminée, le froid en ce début
de mois d’octobre se faisait ressentir. Après s’être lavé, habillé avoir pris un
petit déjeuner rapidement englouti, Colin décida de sortir.
Il vagabondait dans les rues d’Edimbourg. Marchant sans réel but, le jeune
homme ne se rendit pas compte que ses pas l’avaient conduit à une rue
marchande. Il n’aimait pas la foule et le bruit assourdissant que celle-ci
produisait. Il décida de rebrousser chemin pour trouver un endroit plus calme.
Mais alors qu’il faisait demi-tour, il entendit un marchand clamer ses produits
avec ardeur. Normalement, il n’aurait pas réagi. Mais la chose qui semblait
rendre le vendeur si plein d’énergie, attira son attention.
Des violons !
Le marchand tonnait avec entrain la beauté et la perfection de ses violons. Ces
instruments étaient l’un des rares sujets intéressants pour le jeune homme. Il
décida de s’avancer vers l’étal, en essayant de ne pas fuir cette foule bien trop
oppressante. Jouant des coudes, il réussit à atteindre l’étal. Il ne nourrissait pas
trop d’espoir d’y voir de magnifiques violons. Il avait raison. Sept précisément,
se trouvaient sur l’étal. Dès que Colin s’approcha, le marchand commença à lui
vanter les qualités de ses violons.
Un oeil non avisé l’aurait cru. Mais Colin, qui n’était pas un débutant dans la
matière, descellait les mensonges utilisés pour tenter de charmer de potentiels
acheteurs. Mal accordés, cordes cassées ou tables fissurées, ces violons
n’avaient pas fière allure. Aucun ne l’intéressait, comme il s’y attendait. Mais il
n’avait plus rien à réparer en ce moment, alors en trouver un potable aurait été
une bonne surprise.
Toutefois aucun ne l’attirait. Le discours du marchand clamant leur perfection
l’exaspérait. Il leva les yeux au ciel discrètement. Colin s’apprêtait à tourner les
talons pour décamper le plus vite possible quand l’un des instruments attira
son attention.
Il devait l’avoir regardé un peu trop longtemps car le marchand le remarqua et
lui parla.
« Ce violon t’intéresse gamin ? »
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Colin ne lui répondit pas, toujours le regard fixé sur le violon. Le marchand,
voyant son silence, lui dit :
« Vu ton regard acéré, tu sembles t’y connaitre. Alors je t’en prie, tu peux
l’examiner si tu veux. »
Le jeune homme leva les yeux vers lui. Pour un premier contact visuel, il était
assez froid, pour ne pas dire glacial. Le marchand lui fit un signe de tête pour
confirmer ses propos, non sans être un peu surpris de la froideur de ce regard.
Avec délicatesse, Colin prit le violon entre ses mains, le regarda attentivement
sous toutes ses coutures. Au bout de quelques minutes, il fronça les sourcils et
releva la tête vers le marchand.
« Il a un défaut. » lui dit-il froidement.
Le marchand le regarda étrangement. Il attendait des précisions vu son air
dubitatif.
« Vos autres violons n’ont pas de défauts de fabrication. Ils sont seulement
désaccordés ou en mauvais état. Remplacez les cordes, mettez un bon coup de
vernis et c’est bon. Celui-là, s’il ne marche pas, c’est à cause d’un défaut de
fabrication. La mentonnière … elle a dû être mal sculptée. »
Le vieil homme le regarda avec des yeux ébahis. Ce violon, cela faisait plusieurs
fois qu’il le mettait sur son étal et personne ne l’achetait. Il en avait déduit qu’il
ne plaisait pas. À cause peut-être de sa forme, mais il n’avait pas pensé que ce
soit un défaut de fabrication. Soudain, il se remémora de quelque chose.
« Oui, je me rappelle. J’ai eu plusieurs personnes qui, après l’avoir acheté, me
l’on finalement rapporté. Je comprendrais si vous ne le prenez pas. De toute
façon, je pense que je vais le jeter. Ça fait longtemps que j’essaye de le vendre.
Mais on me le retourne toujours avec les mêmes plaintes. »
Les derniers mots du marchand piquèrent la curiosité de Colin.
« Quel genre de plaintes ? »
« Qu’il fait un bruit bizarre … qu’il n’est pas agréable à porter… ce genre de
bêtises. » répondit-il, quelque peu exaspéré.
Colin redirigea son regard vers le violon. Il semblait soucieux. Pourquoi cet
instrument semblait si particulier ? Il rumina ses pensées pendant quelques
minutes, les sourcils froncés. Puis il releva la tête.
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« Je vais le prendre. Il vaut combien ? » s’enquit Colin.
Entendant ces mots, une grande surprise s’afficha sur le visage du marchand.
« Vous êtes sûr de le vouloir ? Vous pouvez en prendre un autre. Et je peux
vous donner des cordes de rechanges en plus. »
Le jeune homme plissa les yeux mais resta sur ses positions.
« Oui. Je le prends. Je vous dois combien ? » répéta-t-il, têtu.
Le marchand, étonné qu’il accepte, était désemparé. Il reprit ses esprits quand
il vit le jeune brun fouiller ses poches pour sortir de quoi payer.
« Oh non non, vous ne me devez rien, je vous l’offre ! Vous me rendez un tel
service en me débarrassant de lui, alors c’est cadeau. Et tenez aussi. Voilà ! »
Il lui tendit un étui à violon.
« Je vous l’offre aussi… que vous ayez de quoi le garder en sécurité. »
Le jeune homme prit l’étui et y rangea le violon.
« Mmh…merci. » murmura-t-il.
Parler à quelqu’un n’était déjà pas chose facile pour lui. Alors dire merci à un
inconnu était un vrai supplice. Il avait dû se faire violence : le marchand lui
avait tout de même donné un étui en plus du violon.
Ce fut ainsi que le jeune homme quitta la foule, pour son plus grand plaisir,
avec dorénavant un tout nouveau violon. Vu son état, il allait lui donner du fil à
retordre.
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Chapitre 3
L’eau ruisselait doucement sur le corps du jeune homme et s’écoulait sur le
carrelage de la douche. Les yeux dans le vide, il fixait un point invisible en bas
de la vitre embuée par l’eau chaude.
Appuyé sur le mur de la douche, il mit sa tête en arrière en fermant les yeux. Il
soupira avant de se redressa en s’aidant d’une main.
Doucement, il passa ses mains dans ses cheveux bruns, dégageant ses yeux
noirs en amande. Ses mains arrivèrent sur sa nuque. L’eau dévalant dorénavant
sur son visage, il ferma ses yeux, laissant celle-ci tomber vers le sol.
Après quelques minutes, il redressa la tête et enleva l’eau de ses yeux. Puis il se
massa la nuque qu’il trouvait endolorie. Il fit une légère grimace en appuyant
dessus pour tenter de faire passer la douleur.
Cette douleur ne datait pas d’hier, mais un simple massage suffisait à calmer
cette désagréable sensation. Une séquelle de ses nombreuses bagarres à
l’abbaye sans doute.
Ses pensées se bousculaient dans son esprit. Il se remémorait à la soirée d’hier.
Après être rentré avec son nouveau violon, il avait reçu un appel de sa soeur
Colleen.
Elle avait trouvé un petit boulot dans une boutique de fleurs. Elle semblait aux
anges au téléphone, lui affirmant que maintenant, elle pourrait l’aider pour les
finances.
Même si comme d’habitude il n’avait rien montré, il était content de
l’apprendre. Il n’aimait pas savoir qu’elle était seule dans l’appartement. Bien
qu’il soit heureux de cette nouvelle, il n’arrivait pas à se concentrer dessus.
Son esprit était focalisé sur le violon. Dès son retour, il l’avait posé sur sa table
de travail pour le jour suivant, laissant l’étui ouvert pour le laisser s’aérer.
Pourtant, au moment où il l’avait pris en main, le jeune homme l’avait trouvé
étrangement différent de la première fois où il l’avait eu en main. Une drôle de
sensation l’avait envahi, un long frisson avait traversé sa colonne vertébrale.
Jamais un autre violon ne lui avait procuré une telle sensation. Il ne voulait pas
se bercer d’illusions. Toutefois cet instrument l’intriguait, comme s’il
renfermait un secret. Visuellement, sa forme n’était déjà pas habituelle. La
mentonnière en particulier n’avait pas un aspect ordinaire.
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« Sans doute un défaut de fabrication. » pensa-t-il.
Mais tout de même, assez intrigant pour qu’il n’écoute sa soeur que d’une
oreille distraite. Il avait espéré que Colleen ne s’en aperçoive pas. Il savait que
dans le cas contraire, il se serait retrouvé sous une avalanche de questions, la
jeune femme s’inquiétant telle une mère poule pour son frère.
Colin n’aimait pas les gens. Parler du dernier potin, discuter de la pluie et du
beau temps, ou juste de sa vie…. Il détestait ça. Le simple fait d’être au milieu
d’une foule lui faisait horreur. Mais pour sa jumelle, il faisait une exception. Ce
n’était pas pour autant qu’il adorait faire la conversation avec elle. Alors
répondre à des questions dignes d’un interrogatoire, il préférait passer son
tour.
Évidemment, connaissant son frère par coeur, Colleen avait remarqué son
trouble, et lui en avait demandé la raison. Le jeune homme avait répondu d’un
ton las que cela était sans doute dû à la fatigue. Ce qui, évidemment, n’était
qu’à moitié vrai.
Certes, il était fatigué, mais sa journée n’avait pas été très difficile. A son plus
grand soulagement, le mensonge était passé inaperçu.
Ruminant cet instant, il ferma les yeux en soupirant.
Après quelques minutes, il rouvrit ses yeux. Ceux-ci s’écarquillèrent
légèrement quand il vit la buée sur la vitre de sa douche. Il tourna la tête sur la
droite vers l’étagère où se trouvait une petite horloge.
Dès qu’il vit l’heure, il grogna tout bas. Cela faisait déjà vingt minutes qu’il était
sous l’eau. Il n’avait pas vu le temps passer.
Il sortit pour prendre une serviette.
Après s’être séché et habillé, il sortit de la salle d’eau. Bien que ses cheveux
soient encore légèrement mouillés, peu lui importait.
Lorsque qu’il descendit, la douce chaleur de l’âtre flamboyant l’enveloppa. Le
jeune homme, l’air morose, traversa la pièce pour aller dans le coin cuisine. Il
fit chauffer du thé, et prit au hasard une pochette d’herbe à thés. L’eau chaude
frémit légèrement dans la tasse et l’odeur des herbes se dispersa doucement
dans la pièce.
Une fois la tasse prête, il prit celle-ci et se dirigea vers le siège en face de la
cheminée. Il s’affala en faisant attention à ne pas renverser sa tasse encore
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brûlante. D’habitude, le petit-déjeuner du beau brun était plus consistant,
composé de plats typiques de la ville d’Édimbourg. Colin n’était pas un gros
mangeur. Mais il mangeait tout de même le petit déjeuner écossais.
Le premier repas de la journée écossaise se composait d’abord de tranches de
bacon, de champignons, d’une moitié de tomate accompagnée de tranches de
fromage par-dessus, le tout poêlé et accompagné d’oeufs au plat. Ceci était, on
peut dire, la base du petit déjeuner écossais. *
D’habitude, celui de Colin était un peu plus consistant, mais il n’avait pas
l’esprit pour ça aujourd’hui. Ce simple thé suffirait.
La boisson chaude dégageait un peu de vapeur qui montait au visage du jeune
homme. Il souffla sur le liquide pour dégager la fumée et trempa ses lèvres
dans la tasse.
Son regard balaya la pièce pour tomber sur les fenêtres. On pouvait entendre
des gouttes d’eau frapper les vitres de la maison. Pour ce début de mois
d’octobre, la pluie était chose courante. La fin d’année approchait et le froid
était déjà installé. Le jeune homme s’était vêtu d’un pull en laine noir. Il était
complètement emmitouflé dedans.
La chaleur du feu dans l’âtre enveloppait avec douceur son corps. L’agréable
sensation que procurait le petit cocon de laine avec le thé passant dans tout le
corps du jeune homme le réchauffait.
Il regardait les flammes devant lui avec, maintenant, la tasse vide. Après
quelques minutes, voyant le feu s’amenuiser, il se leva et traversa la pièce pour
mettre sa tasse dans l’évier. Puis il revint vers la cheminée et prit un tisonnier
qui se trouvait dans un vase à côté de la cheminée. Le beau brun s’agenouilla et
se mit à bouger les buches, faisant crépiter le feu pour le ranimer.
*Le Tattie Scone, une galette typique faite à partir d’un mélange de purée de
pomme de terre, le Lorne Sausage, l’un des ingrédients favoris du petit
déjeuner écossais, (Composée de viande hachée, traditionnellement du boeuf,
il s’agit d’un petit carré ou rectangle de cette viande.) Le White Pudding,
comme avec son cousin le Black Pudding, on aime ou on déteste. Mais pour
ceux qui l’aiment, ils le dégustent la plupart en tranches comme pour le boudin
noir.
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Il resta sans bouger pendant cinq bonnes minutes, regardant seulement les
flammes danser. Finalement, un soupir s’échappa de ses lèvres. Il se releva en
s’appuyant sur ses genoux. Avec une légère lassitude, il s’approcha de la table
de travail.
Celle-ci prenait une grande partie de la place du rez-de-chaussée. L’atelier se
trouvait à droite et à gauche de l’entrée. Au fond à gauche, il y avait l’âtre et
son fauteuil. Et un peu plus loin dans la même direction se trouvait l’escalier
montant à l’étage. Dans le fond droit de la pièce, il y avait la petite cuisine.
En ce qui concernait l’atelier pratique, la partie droite était occupée par des
placards et étagères où se trouvaient les violons achevés.
À gauche restaient, habituellement, les instruments à réparer. Il s’agissait d’une
grande table. Derrière celle-ci se trouvaient des placards avec tous les
ustensiles et produits dont un luthier avait besoin.
Une fois devant la table de travail, il la contourna pour accéder aux étagères. Il
avait laissé le violon dans une des armoires, après l’avoir aéré. Il ouvrit le
placard et sortit l’étui avec l’instrument encore à l’intérieur. Il se retourna et le
posa sur la table.
Avec délicatesse, il déclipsa le petit bout de fer qui servait de fermeture.
Ensuite, il ouvrit l’étui, dévoilant le violon à la lumière du jour. L’intérieur de
l’étui était fait d’un tissu plutôt doux, pas de grande qualité mais assez pour
garder l’instrument en sécurité. Quant au violon, il semblait avoir traversé les
âges. Son bois était légèrement terni par le temps et le vernis partiellement
enlevé. Les cordes aussi semblaient un peu abîmées. Mais elles n’étaient pas
totalement hors d’usage.
Dans son ensemble, le violon n’avait besoin que d’une bonne remise à neuf. Un
coup de vernis, de nouvelles cordes et il serait comme neuf.
Colin prit l’instrument avec délicatesse et le sortit de son étui. Il le déposa sur la
table. Il rangea ensuite l’étui dans un des placards derrière pour avoir le plus de
place disponible.
La pièce comportait plusieurs lampes. La plus grande et la plus centrale était
celle au plafond. Il y en avait ensuite une plus petite vers l’entrée.
Voulant un meilleur éclairage, le jeune homme avait acheté une petite lampe
dont le trépied était très maniable. Colin l’alluma en appuyant sur le petit
interrupteur attaché au fil de la lampe.
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Une fois le violon posé sur la table, le jeune homme fit doucement glisser ses
doigts sur les cordes, les faisant vibrer doucement et déclenchant de légers
frissons dans son corps.
Deux d’entre elles n’étaient plus assez en bon état. Les autres cordes ne
devraient pas tenir bien longtemps.
Il se tourna vers les étagères, ouvrit un des placards et en sortit une petite
sacoche en vieux tissu. De nouveau face à la table, il défit la ficelle qui fermait
le sac. Il y plongea une main pour en ressortir quatre cordes de violons, neuves
et en parfait état.
Il s’attela donc à sa tâche. Avec délicatesse, il détacha les cordes du violon.
« Ces cordes sont très abimées. Elles doivent dater de l’époque de la
fabrication du violon. Ses anciens propriétaires étaient vraiment idiots de ne
pas avoir pensé à les changer. Évidemment ! Avec des cordes dans un si
mauvais état on ne peut pas en jouer correctement ! » pensa-t-il avec une
moue énervée.
Le changement des cordes fut simple. Il avait déjà fait cette action à de maintes
reprises sur d’autres violons.
Avec délicatesse il détacha les cordes du chevalet et du cordier pour ensuite les
remplacer par les nouvelles. Une fois fait, le jeune homme regarda son travail.
Puis, il se décida à essayer le violon.
Il le prit donc doucement, comme s’il manipulait quelque chose pouvant se
casser à tout moment.
Pour avoir plus d’espace, l’instrument toujours en main, il se mit au centre de
la pièce.
Le jeune homme plaça son menton sur la mentonnière de l’instrument, se
calant ainsi sur le bouton. Il avait au préalable pris son archet, qui se trouvait
dans un des placards. Cet archet lui avait été offert par le vieux Ryan Doyle,
quand il était encore là.
Vidant ses poumons dans un soupir, il posa la baguette sur les cordes.
A cet instant, Colin bascula dans son monde, le monde de la musique. Il ne
jouait pas de partition particulière. Il laissait juste les notes fuser au fil de son
esprit. La douce mélodie remplissait la pièce et la réchauffait d’un bonheur pur
et doux, comme un baume au coeur après une dure journée. La musique,
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même légèrement mélancolique, était d’une beauté à couper le souffle, aussi
douce que de la soie. L’esprit totalement embrumé, et vagabondant dans les
limbes profondes de son monde, Colin se laissa emporter par les vibrations
mélodieuses de l’instrument, comme dans un rêve rempli de douceur.
Et il jouait, inlassablement, complètement emporté par la musique. Pourtant, il
sentait que l’instrument semblait plus lourd au niveau de son cou. Cela lui
importait peu. Une fois la musique lancée, les notes fusant, on ne pouvait
arrêter le jeune homme. Les aigus et les graves s’harmonisaient parfaitement
sous son archet.
Mais soudain, venant perturber la suite mélodieuse de notes, un bruit étranger
fit arrêter le violoniste. C’était comme un tintement dû à une vibration.
Étonné de ce son inhabituel, Colin arrêta de jouer.
« C’est donc ça… » pensa-t-il.
La raison pour laquelle ce violon était toujours rejeté. Il avait déjà remarqué
qu’un poids pouvait gêner le musicien au niveau de la mentonnière. Même si
elle n’était pas très importante, cette raison avait suffi à certains pour rendre
l’instrument au marchand. Mais il y avait aussi ce bruit qu’avait fait le violon
lorsque que Colin avait joué. Il était courant que des violons de mauvaise
qualité avec des défauts de fabrication fassent de drôles de bruits. Mais celui-ci
était trop inhabituel. Colin le savait bien. Par le passé, il avait réparé de
nombreux violons. Jamais il n’avait entendu pareil son.
Intrigué, il se remit face à la table de travail et posa l’instrument dessus. Une
nouvelle fois, il l’examina sous tous les angles, se disant qu’il avait dû passer à
côté de l’imperfection. Soudain, il se souvint qu’il n’avait pas vu l’étiquette de
l’instrument. *
*L’étiquette est un des premiers indicateurs pour identifier un violon. Si un
luthier est connu pour ses particularités de fabrication, le réparateur le saura et
adaptera son intervention.
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Ce petit morceau de papier était la signature de tout luthier. Elle indiquait le
nom du créateur, l’année de fabrication et son sceau. Pour les violons,
l’étiquette était généralement collée sur la face intérieure du dos du violon.
Malheureusement, il pouvait y avoir des copies. Aujourd’hui, les experts
devaient redoubler d’efforts dans leurs tentatives d’authentification. La chose
la plus difficile à copier, c’était le sceau.
Colin commença à chercher cette fameuse étiquette. Elle lui permettra sans
doute de savoir ce qui causait tant de tort aux propriétaires successifs.
Il regarda à travers les ouïes. Il fronça les sourcils quand il se rendit compte
qu’il ne voyait strictement rien. En grognant un peu, il prit la lampe de table
pour l’orienter au-dessus du violon et avoir plus de lumière.
Mais alors que le jeune homme s’attendait à voir l’étiquette d’un luthier
quelconque ou même inconnu, ce fut un tout autre nom que Colin découvrit.
Dès que ses yeux se posèrent sur l’étiquette, ceux-ci s’écarquillèrent de
surprise.
Antonius Stradivarius Cremonenfis
Faciebat Anno 1735
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Chapitre 4
Crémone 1735.
La ville dite des violons. Une ville splendide et lumineuse. C’est ici que vivait
Antonio Stradivarius en compagnie de ses deux fils et de son apprenti.
Stradivarius était le meilleur des luthiers du 18 siècle. Les cours des grands rois
et les plus talentueux musiciens avaient l’habitude de lui commander ses
oeuvres. Chaque violon ou autre instrument qui sortaient de son atelier avaient
un « je ne sais quoi » qui les rendait uniques et merveilleux. Ses instruments
étaient connus pour atteindre la perfection. Les notes que l’on pouvait
produire frôlaient le monde féérique, et étaient d’une splendeur à couper le
souffle.
Une particularité faisait la beauté des Stradivarius. En effet, au début de sa
carrière, Stradivarius, par manque d’argent, ne pouvait pas s’acheter le bois
nécessaire à la fabrication. Alors, pour le dos du violon en particulier, il décida
de mettre ensemble deux bouts de bois. Ce qui semblait au départ être une
contrainte devint une qualité. Car ainsi, les violons étaient bien plus
symétriques et produisaient un bien meilleur son. Stradivarius restait le
meilleur des luthiers. Il était inégalable.
Mais en cette année de 1735, alors qu’il sentait que son heure arriver, il décida
de fabriquer un dernier violon, son dernier acte avant de quitter la scène. Mais
pas n’importe quel violon, il ne voulait pas qu’il soit comme tous ceux qu’il
réalisa par le passé.
De maintes fois, on lui avait demandé quel était son secret. Le secret de cette
beauté propre à chaque instrument qu’il confectionnait. Mais il apportait
toujours la même réponse : il n’avait pas. Cette fameuse recette de la
perfection musicale convoitée de tous, Stradivarius disait ne pas en avoir. Mais
au fond de lui, il mentait. Car il avait bien un secret. Mais le dévoiler, lui ferait
perdre sa valeur. Stradivarius, au cours de sa vie avait eu des apprentis et des
enfants. Chacun voulant apprendre son métier, il avait essayé de leur faire
découvrir ce secret si bien gardé. Mais personne n’en avait été digne.
Les feuilles d’un grand chêne bougeaient tranquillement au fil du vent et
faisaient un bruit apaisant. Quelques feuilles volages parvenaient à se détacher
des branches du vieil arbre, et voletaient un peu partout dans la grande cour où
se trouvait le centenaire. Quelques-unes parvinrent à se faufiler par une
fenêtre ouverte.
16
En cette fin d’été, la chaleur n’était plus aussi oppressante qu’au milieu du
mois. Une légère brise typique de l’automne pouvait se ressentir. Il faisait
toutefois encore assez chaud pour que cette brise ne soit pas trop fraiche. Les
robes des arbres commençaient à prendre des teintes différentes, en passant
du jaune, orange au rouge.
Les quelques feuilles qui avaient réussi à s’infiltrer par la fenêtre continuèrent
leur route pour finalement se poser sur une grande table au milieu de la pièce.
Sur cette table se trouvait de nombreux objets et ustensiles. D’un côté de la
table, un vieil homme était assis sur un tabouret usé par le temps, comme son
propriétaire.
Ce vieil homme se nommait Antonio Stradivarius. En face de lui se trouvait un
violon en cours de fabrication.
Les mains du vieil homme filaient comme de l’air sur chaque petite partie de
l’instrument. Il était si minutieux que l’on pouvait penser qu’il manipulait de la
porcelaine.
Par moment on pouvait le voir porter une loupe à son oeil. Il regardait avec
attention des petits détails de la plus haute importance. Car Antonio
Stradivarius prenait soin de toutes choses, s’assurait que chaque pièce, chaque
élément soit parfait.
Entre ses mains habiles se trouvait son dernier violon. Mais pas un simple
violon ordinaire. Même si aucun Stradivarius n’était considéré comme
ordinaire. Le luthier s’affairait à l’assemblage de l’instrument. On pouvait voir
sur sa droite une petite boite en chêne au milieu des outils.
Un nouveau coup de vent fit voler les quelques feuilles qui étaient déjà dans la
pièce. L’une d’elle atterrit juste en face du luthier, ce qui lui fit arrêter son
ouvrage. Doucement, d’une main abimée, il prit la feuille. Elle était d’un joli
rouge carmin avec quelques taches noires. Il la fit tourner avec ses doigts, un
sourire aux lèvres. Il se mit à penser que cette feuille et lui se ressemblaient.
Tous les deux étaient en fin de vie. Mais Stradivarius chassa vite cette pensée.
Elle était certes vraie mais bien trop sombre. Il préféra regarder cette petite
feuille avec une attention plus joyeuse. Il admirait les différents vaisseaux qui,
quand elle était encore accrochée à l’arbre, lui avait permis de vivre et de
prendre sa couleur, ce rouge si particulier.
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Il ne restait que deux choses à faire. Premièrement l’instrument devait être
achevé. Puis il devait rendre visite à une personne pour lui demander un
service.
Stradivarius prit en main la petite boite en chêne et la posa face à lui. Celle-ci
possédait de jolies gravures qui rappelaient l’arbre dans lequel elle avait été
sculptée. Il ouvrit la boite et en sortit délicatement un petit flacon de verre. On
y distinguait un papier enroulé sur lui-même. Faisant rouler le flacon dans sa
main, il eut soudain une idée. Il prit la feuille rouge, l’enroula autour du flacon
et la maintint en place grâce à une petite corde.
Après une dizaine de minutes, le violon était achevé : les faces assemblées, le
bois vernis, le secret caché. Il ne restait à Stradivarius qu’une chose à faire
avant de tirer sa révérence. Cette tâche accomplie, il pourrait partir sans regret.
18
Chapitre 5
Colin était stupéfié. Il n’en revenait toujours pas. Il avait entre les mains un
authentique Stradivarius. Il avait en sa possession un violon fait par LE luthier
suprême. C’est ainsi que Colleen surnommait le fabricant à force d’entendre
son frère parler de lui en des termes si élogieux.
Il est vrai que sans avoir lu autant que Colin à son sujet, elle en savait déjà
presque tout. Ce qui l’avait surprise était d’avoir vu Colin se transformer en vrai
moulin à parole. Lui pour qui un simple « bonjour » était une épreuve. Mais
lorsque qu’il s’agissait de sa soeur, tout était plus facile. Lorsqu’il lui parlait de sa
passion, qui était bien la seule d’ailleurs, les mots pouvaient couler telle une
rivière. Elle savait toutefois qu’il ne serait pas aussi à l’aise s’il devait parler de
ses sentiments, même avec elle. Elle ne savait jamais ce qu’il pensait.
Colin avait toujours rêvé d’avoir un Stradivarius, ou au moins d’en voir un. Si on
lui avait dit qu’il possèderait une telle perle rare, en plus gratuitement, il ne
l’aurait pas cru une seule seconde.
Colin n’était pas dupe. Il savait que des copies existaient. Il préféra alors vérifier
avant de se faire une fausse joie. Généralement, pour s’assurer de
l’authenticité d’un instrument, on devait le dater avec des appareils
scientifiques. Évidemment, le petit brun n’en avait pas en sa possession. Il était
hors de question qu’il aille dans un laboratoire spécialisé pour faire analyser le
violon. En premier lieu parce qu’on lui poserait un tas de questions auxquelles il
n’avait absolument aucune envie de répondre. Ensuite parce que le laboratoire
le plus proche était à des kilomètres d’ici. Enfin, la dernière raison était qu’on
lui confisquerait très certainement le violon. Or au fond de lui, une petite voix lui
soufflait de le garder.
Pour tenter de comprendre si ce n’était pas une contrefaçon, il chercha dans des
vieux livres issus de l’héritage de Ryan Doyle, pour en prendre un sur l’histoire
des Stradivarius. En particulier sur la façon dont les étiquettes de Stradivarius
étaient faites. Car en effet, celle-ci étaient très difficiles à copier, et
précisément les sceaux. Il trouva enfin un livre avec des reproductions
d’étiquettes du fameux luthier. Premièrement, Stradivarius écrivait dans sa
langue natale, à savoir en italien. Ensuite, il y avait l’année de création. Et enfin
son sceau. Ce dernier en forme de cercle comprenait une croix en son centre.
En bas à gauche la lettre A en majuscule, en bas mais à droite, la lettre S, elle
aussi en majuscule.
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Colin se remit face au violon et regarda une fois encore, avec sa lampe audessus,
l’étiquette du violon.
Tout concordait.
Il était donc bel et bien en possession d’un Stradivarius.
Une idée lui traversa toutefois l’esprit. Ces violons étaient considérés comme de
véritables icones de la perfection musicale. Alors pourquoi celui-ci faisait par
moment un bruit si étrange ?
Cette question le taraudait. Encore une fois, il se dit qu’il devait avoir raté
quelque chose.
Il reprit le violon en main, l’examina sous tous ses aspects. Passant de la table
au chevalet jusqu’à la volute. Mais rien ne semblait anormal.
En tout cas, jusqu’à ce qu’il arrive à la mentonnière. Il fronça les sourcils en se
souvenant de la première fois où il avait joué de ce violon. Il avait senti celle-ci
un peu plus lourde que d’ordinaire.
Le coeur battant la chamade, il entreprit délicatement de laisser glisser ses
doigts sur la mentonnière. Il n’y avait rien de particulier. Quand il passa sa main
sous celle-ci, il sentit soudain comme une fine planche de bois que l’on aurait
ajoutée. Curieux, il appuya dessus. Contre toute attente, un déclic se fit
entendre.
Le souffle coupé, Colin attendit, les yeux grands ouverts. Il n’avait aucune idée
de ce qu’il se passait. Savoir pourquoi un Stradivarius semblait cacher tant de
secrets le poussa à continuer. Il allait relever sa main, lorsqu’il vit la
mentonnière se détacher. Doucement, alors que son coeur aurait pu sortir de
sa cage thoracique, il l’enleva. Il la déposa à côté de lui, le regard toujours fixé
sur le violon. Le jeune homme fronça alors les sourcils. Il y avait là une des
choses les plus étranges que Colin ait jamais vue : neuf boutons en rangée de
trois, disposés en carré gravés sur le bois. Mais quand il passa son doigt dessus,
l’un des boutons s’enfonça légèrement. Il revint à la normale à peine le doigt
relevé.
Le beau brun était abasourdi. Il avait devant lui un Stradivarius digne d’un
Escape Game version 18ème siècle. Colin se laissa tomber contre le dossier de
sa chaise et passa une main dans ses cheveux. Il n’avait jamais participé à ce
genre de jeux. Mais il connaissait le concept : être enfermé dans une pièce, en
sortir grâce à des énigmes et à la fin obtenir une récompense.
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Il n’était pas du genre à courir après les cadeaux ou surprises. Mais cette fois, la
curiosité l’emporta. Il se repencha vers le violon. Il ne savait pas vraiment ce
qu’il devait faire. Alors il se mit à appuyer au hasard sur les boutons. Par
moment certains restaient enfoncés, mais ensuite revenaient à leur place
d’origine. Colin comprit. Peut-être fallait-il composer une combinaison
particulière.
« Ça tient la route… » pensa-t-il la tête toujours un peu dans les nuages.
Mais il se doutait bien que Stradivarius n’avait pas choisi une combinaison au
hasard, sans signification. Il se mit donc à tester tout ce qui pouvait avoir un
lien avec le luthier ou sa vie. Il essaya son année de naissance, il tenta chaque
chiffre. Mais rien. Puis ensuite l’année de naissance de ses enfants. Toujours
pas. Celle de ses deux femmes. Non plus. Colin essaya encore et encore. Tout
ce qui lui passait par la tête. Mais les boutons ne bougèrent pas. Il passa une
heure à tester des possibilités, mais rien ne marchait.
Commençant sérieusement à s’énerver, Colin releva la tête et souffla un bon
coup. Il laissa ses yeux se balader dans la pièce. Son regard tomba sur le livre
qu’il avait utilisé un peu plus tôt. Il fronça les sourcils et prit le livre. Puis, sans
vraiment de but, se mit à le feuilleter. Il ne savait pas ce qu’il cherchait. Il
voulait juste quelque chose qui pourrait rentrer dans un carré de neuf boutons
en rangée de trois.
Les images et textes défilaient mais il ne trouvait rien de bien intéressant. Puis,
il tomba sur une page parlant des débuts du luthier. Elle disait qu’avant d’avoir
le sceau que le monde connaissait, il utilisait une forme bien particulière. Les
écrits disaient que le luthier avait un passe-temps original. Il consistait à faire
des herbiers, en particulier de feuilles de chênes. Dans sa cour trônait un
magnifique chêne dont il aimait garder les feuilles. A ses débuts, son sceau
représentait une feuille de chêne à cinq bords. Il avait ensuite dû le changer
lorsque son nom avait commencé commença à se faire une place dans le
monde.
Sur ce carré de points, faire un cinq en forme de feuille était un peu dur. Il
pouvait y avoir différentes combinaisons possibles pour cette forme. Colin en
essaya plusieurs. Mais cela ne fonctionnait pas. Jusqu’au moment où il ne
restait plus qu’une seule possibilité. Il fallait appuyer sur les trois points de la
rangée du bas, et les deux boutons du milieu des deux autres rangées.
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Il fit le dernier essai possible. Les boutons restèrent enfoncés sans que rien ne
se passe pendant quelques instants. Mais soudain, un autre déclic se fit
entendre.
Colin regarda avec attention le violon, les yeux grands comme des soucoupes. Il
ne savait pas du tout ce qu’il venait de faire. Toutefois son action en engendra
une autre. La partie comportant la gravure se détacha.
Le jeune homme avait les mains tremblotantes, mais il réussit à se calmer, le
temps d’enlever la partie du filet qui s’était détaché. À sa plus grande surprise,
il constata que derrière cette planche de bois et à l’intérieur du violon se tenait
un ingénieux mécanisme d’ouverture. En effet, dès que Colin avait pressé les
cinq boutons, cela avait poussé une petite planche de bois. En s’éloignant la
petite planche avait fait ouvrir un loquet. Un très ingénieux mécanisme certes,
mais qui devait cacher un bien grand secret pour être si bien gardé.
Colin avait posé le filet à côté de la mentonnière. Il avait maintenant devant lui
l’intérieur du violon.
La première chose qu’il vit fut une forme noire. Par manque de lumière il ne
savait pas ce que c’était. Il prit sa lampe pour éclairer l’intérieur du violon. Une
fois fait, il constata avec surprise que la masse noire était un petit flacon collé à
l’intérieur de l’instrument. Une sorte de tissu rouge semblait entourer le flacon.
Colin remarqua que ce flacon était collé à l’intérieur du violon avec de la cire. Il
savait qu’au bout d’un certain temps, la cire devenait très dure. Le seul moyen
de l’enlever était de la faire fondre ou de la gratter. La première option n’étant
en aucun cas envisageable, le petit brun se retourna pour prendre dans les
placards une tige de métal pointu et un petit filet tendu sur deux planches de
bois. Il mit cette dernière juste en dessous du flacon. Ainsi, si ce dernier tombait,
il serait rattrapé par ce filet, sans tomber sur le bois du violon, n’endommageant
ni l’instrument, ni le flacon. Colin se mit ainsi à gratter doucement la cire. De
toute sa vie, jamais il n’avait eu aussi peur pour quelque chose d’autre que lui,
sa soeur, l’atelier ou ses écrits.
Au fur et à mesure que la cire tombait, le flacon se détachait peu à peu, pour
finir par tomber dans le filet.
La tension dans la pièce se faisait de plus en plus pesante. Il posa la tige de
métal, sortit doucement le filet, et vit l’objet. À la lumière, on pouvait constater
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que c’était bien un flacon fermé d’un bouchon de liège, avec autour une feuille
de chêne rouge.
Après quelques minutes, alors qu’il reprenait ses esprits, Colin se décida à
prendre en main le flacon. Il le manipula avec le plus de délicatesse possible. Il
détacha maintenant la corde de la feuille. Elle tomba lentement sur la table.
Toujours le stress coulant à flot dans ses veines, Colin déboucha avec un peu de
difficulté le bouchon de liège. À cet instant, il eut l’impression de respirer
pendant quelques secondes l’air d’un autre temps.
Après avoir repris ses esprits, Colin fit doucement tomber le papier dans sa
main. Enfermé depuis des siècles dans le flacon, il semblait très bien conservé.
Cet air nouveau ne l’avait même pas fragilisé.
Délicatement, il déroula la feuille légèrement jaunie. Une écriture des plus fines
apparut sous les yeux du jeune homme. En premier lieu il regarda s’il n’y avait
pas une signature. C’était le cas. Il y avait un A.S.
A comme Antonius.
S comme Stradivarius.
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Chapitre 6
Crémone 1735.
Antonio Stradivarius était assis sur un banc en dessous du grand chêne de la
cour de sa maison. Il se remémorait sa visite chez une jeune femme un peu
étrange : Madeleine. Peu avant de terminer son dernier violon, il s’était rendu
chez elle pour lui demander une lotion particulière. Il souhaitait que son
message soit le mieux conservé possible. Elle n’était connue que de peu de
luthiers. On disait qu’elle possédait un don. En effet, si on venait la voir, c’était
pour lui demander des choses bien particulières. Il s’agissait de vernis pour
violons. Chacun de ses vernis étaient tout simplement magique. Stradivarius en
avait déjà utilisé quelques fois. Mais elle faisait aussi des lotions de longévité,
par pour les humains ou du moins pas les vivants, mais pour les objets.
Il voulait une lotion qui permettrait à son message de traverser le temps.
Madeleine était une jeune femme dont il était impossible de ne pas être jaloux
tellement elle était adorable : avec de longs cheveux bruns, légèrement raides,
un visage fin orné d’un sourire radieux et des yeux marron un peu en amande,
elle n’en était pas moins un peu excentrique.
À peine rentré chez lui, il avait enduit son message et la feuille de chêne de la
fameuse lotion.
Stradivarius était revenu voir Madeleine une seconde pour lui demander un
dernier service. À son grand soulagement, elle avait accepté sa requête : garder
son dernier violon jusqu’à sa mort, puis le vendre à un bas prix, afin qu’il puisse
voyager et trouver son véritable propriétaire.
Dorénavant sur son banc, il ne nourrissait aucuns regrets. Cette oeuvre finale lui
avait permis de faire une belle rencontre. Il avait mis tout son savoir dans un
dernier spectacle. Il espérait désormais que quelqu’un trouve la porte des
coulisses.
Après le départ du luthier, ses oeuvres furent dispersées dans le monde, dont
son dernier violon. Madeleine respecta son souhait. Le violon fut balloté de
propriétaires en propriétaires de tous horizons des siècles durant. Pour que
finalement, l’instrument arrive sur l’étal d’un marchand de la ville d’Édimbourg.
Et que par un heureux hasard, Colin vienne à croiser son chemin et à trouver la
porte des coulisses.
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Depuis ce jour, alors que le temps défilait, le violon trônait sur une simple
étagère dans l’atelier de Colin. Le jeune homme n’avait pas voulu donner
l’instrument a un musée. Pourquoi ? Car il devait respecter la décision de
Stradivarius. Il devait respecter la simplicité du message du luthier. De plus, il
savait que s’il l’avait donné aux musées, ils l’auraient démonté pour en
comprendre le mécanisme. Et surtout, ils auraient divulgué au monde entier le
secret de Stradivarius.
Au fil du temps, Colin avait compris certaines choses. Comme l’origine du bruit
étrange que faisait le violon au départ. Ce bruit était dû au flacon fixé à la cire
dans le violon. Quand une note particulière était jouée, des vibrations
atteignaient le flacon qui alors émettait un tintement. Ce bruit avait alerté
Colin et tous les autres prioritaires. Mais ces derniers avaient pris ce bruit pour
une imperfection, à l’inverse de Colin.
Par moment, le jeune homme prenait plaisir à relire le message du luthier. Pour
plus de précautions, il l’avait recopié sur une autre feuille, le message original
se trouvant à l’abri dans un cadre avec la feuille de chêne.
Le message était en latin. Colin, pour une fois, remercia les soeurs de l’abbaye
de lui avoir appris cette langue.
Les mots de Stradivarius n’étaient pas comme certains pouvaient le penser. Il
n’expliquait pas une technique particulière ou une formule magique
démontrant la perfection de ses instruments. Non, loin de là.
« Je félicite la personne qui trouvera ces mots.
Durant ma longue vie, on m’a demandé de nombreuses fois le secret de mes
créations. Sachez que je n’en ai jamais eu.
La question n’était pas de savoir comment je fabriquais mes instruments, avec
quelle mystérieuse technique, mais pourquoi.
Et bien toute ma vie durant, c’est la passion qui a guidé mes doigts.
Parce qu’en vérité, je ne suis qu’un simple luthier. »
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Léa Hellégouarch
22/07/2021

 

 

POÈMES 

N’hésitez pas à créer les vôtres et à me les envoyer !

 

Escape Édimbourg, poème par Coline, décembre 2019 :

Poème sur Escape Édimbourg, par Coline (décembre 2019)

Catriona

Toi, fille bien née

A Manor Hill tu as déménagé

A Manor Hill tu t’es retrouvée emprisonnée

En quittant ta prison, tu as changé

Car tu as croisé Colin

Un jeune orphelin,

Et de lui, tu as voulu être aimée.

 

En participant à un Excape Game,

Tu l’as revu

Entre vous, ça a été tendu.

 

Descendante de Kennocha,

Fille d’une étrangère

Amie et conseillère

A Manor Hll pour toi elle est là.

 

Donan elle aimait

Mais pour le protéger, elle l’a repoussé

Lorsqu’il a voulu l’embrasser.

 

Mais Donan elle a toujours aimé

Et lorsque la mort l’a voulu

Elle est réapparue

Pour la sauver et ne plus jamais le quitter.

 

Comme toi, Un MacInnes elle a aimé

Comme toi, blonde elle était

Comme toi elle pensait avoir tout perdu.

 

Mais l’amour l’a sauvée,

D’une triste destinée

Les enfants du temps – 15 07 15 (3) par Frédérique CHILLET

Sean – 19 07 15 par  Frédérique CHILLET

Eva – 22 07 15 par  Frédérique CHILLET

Kathleen – 01 08 15 Connor – 02 08 15 par Frédérique CHILLET

Connor – 02 08 15 par Frédérique CHILLET

7 réflexions au sujet de « Fan art »

  1. J’adore Les enfants du temps car cette saga a tout! Elle est émouvante, envoutante, remplie d’aventures et de légendes …J’en reste fan à toutes les sauces. Mon couple favori c’est Kathleen et Connor, ce couple est plein de sensualité et ils jouent ensemble à un jeu de « Je t’aime, moi non plus… » ET je n’en peux plus ! Je reste complètement scotchée d’ailleurs devant l’éventail de personnages…Bref il me faudrait des tas de mots pour décrire ce que je ressens réellement mais je reste avec ceux-ci : évasion et passion …Continuez à nous faire vibrer j’en ai tant besoin!!!

  2. Les Enfants du Temps est une saga que j’ai adorée et que j’adore. Pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, le monde celtique est un univers magique et fascinant, et c’est tellement bien retranscrit dans cette saga… Ensuite, les personnages y sont tous géniaux, différents et intéressants à leur manière, on peut les aimer ou les détester (ou aimer les détester!). Les rebondissements au fil de l’histoire donnent à ces romans une ampleur, une richesse, celle-ci appuyée par les nombreuses références historiques, par les légendes et les lieux visités, qui donnent encore plus envie d’aller en Irlande et en Ecosse, pays qui me fascinent tant.
    Moi aussi, j’ai beaucoup aimé le couple Kathleen et Connor, car leur jeu de séduction est attrayant et terriblement sensuel, ce qui donne du piment à l’histoire (et à leur histoire!). Les autres personnages sont également tous géniaux, et, qu’ils soient « gentils » ou « méchants », ils ont tous une facette intéressante à explorer, et je suis curieuse d’en apprendre plus sur chacun d’entre eux!
    Pour conclure en quelques mots: cette saga est sublime!
    Merci Marie de nous avoir embarqué dans cette aventure.

  3. Je ne peux dire qu’un mot à propos de cette saga : merveille ! Bon en fait : enchantement, magique, merveilleux… Tous ces mots aussi pourraient convenir 😛 Je laisse ici ma petite photo, avec la fameuse dédicace que j’ai eu et qui m’a tellement fait plaisir : http://img15.hostingpics.net/pics/8640881218793315068131896123986577942341545476003n.jpg <3

  4. Petit quizz sur le premier tome de la saga 😉
    http://www.quizz.biz/quizz-1027888.html

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